Zappos : chronique d'une transformation annoncée

     

« Adopter l’Holacracy ou partir » : cette formule prêtée à Tony Hsieh par le magazine Fast Company a suscité confusions et commentaires. Point de repères pour décrypter cet ultimatum.

La mise en place l’Holacracy chez Zappos est largement couverte par les médias. Et ce, à double-titre. D’une part, avec 1 500 collaborateurs, Zappos est à ce jour la plus grosse entreprise à avoir formellement adopté l’Holacracy ; d’autre part, la très forte culture d’entreprise de Zappos, fondatrice de son identité et ADN de sa marque, donne un relief particulier à cette transformation.

Dans ces conditions, la publication début avril d’un long mémo interne envoyé à l’ensemble du personnel a été largement commentée. Évoquant le futur de Zappos, Tony Hsieh explique que le véritable enjeu est de devenir une « Teal organization », une entreprise autonome dans son organisation et dans son fonctionnement, plus productive et plus innovante. Une transformation qui remet en cause les méthodes de travail et de réflexion, tout comme les structures de management héritées du passé. Pressentant que certains collaborateurs ne souhaiteront pas s’engager dans cette direction, Tony Hsieh indique qu’une offre de départ est mise en place à leur intention.

Une offre habituelle pour Zappos

Toutefois, la proposition de séparation évoquée par Tony Hsieh dans son mail n’est pas une première. Elle s’inscrit dans la tradition de Zappos qui amène chaque nouveau collaborateur à s’interroger sur son affinité avec les valeurs de l’entreprise, une prime de départ lui permettant faire son choix en dehors de toute contrainte économique.

Typique de Zappos, cette façon de procéder est ici reconduite face une situation spécifique : accepter le changement initié au sein de l’entreprise. Une mise en demeure qui trouve une résonnance toute particulière lorsque l’on sait que la formule « Embrace and Drive Change » est la seconde des valeurs centrales de Zappos.

Au milieu du gué

Comme l’explique Tony Hsieh, Zappos a aujourd’hui un pied dans le monde de l’Holacracy et l’autre pied dans le monde du management traditionnel, et il souhaite accélérer cette transformation en « Teal organization ». L’Holacratie n’est qu’un système d’exploitation destiné à faciliter cette mutation. L’idée directrice n’est pas uniquement de fonctionner en Holacracy, mais de faire de Zappos une entreprise autonome dans son fonctionnement et dans son organisation, en combinant différents outils et méthodes.

Les réflexions d’un entrepreneur

Très inspiré par Frédéric Laloux et son livre Reinventing Organizations - proposé en format digital à chaque salarié - Tony Hsieh cite dans son mémo des auteurs de référence, tels que Gary Hamel, Doug Kirkpatrick, Peter Druker… ou Henri Ford. Il clarifie des points d’incompréhension, et convoque les exemples emblématiques de « libération » que sont WL Gore, Whole Foods, The Orpheus Orchestra ou le Morning Star. Il partage également de nombreuses questions dont les réponses restent à apporter.

Accompagner le redéploiement

Seule certitude, le développement de l’autonomie chez Zappos va s’accompagner d’une disparition du management intermédiaire. Les fonctions en silos historiques, telles que le merchandising, la finance ou le marketing, vont s’effacer au profit de leur intégration dans les cercles opérationnels.

Destiné à favoriser cette redistribution, le cercle « Reinventing yourself » a pour mission d’aider les anciens managers à identifier de nouveaux rôles dans lesquels ils pourront remobiliser leur passion, leurs compétences et leur expérience. Autre élément du dispositif, le processus de séparation proposé à eux qui préféreraient ne pas adopter la nouvelle stratégie de Zappos et quitter l’entreprise [voir la video de Brian Robertson].

Selon le Las Vegas Sun, 201 employés sur 1503 - soit 14% des effectifs - ont choisi cette dernière option.

Une expérience grandeur nature

Mobilité interne ou mobilité externe : le dispositif mis en place a pu être interprété de façon diverses. Si certains observateurs voient dans cette proposition un ultimatum radical posé à ceux qui ne veulent pas adopter l’Holacracy d’autres reconnaissent dans cette initiative l’engagement conscient d’un leader déterminé à transformer une organisation en complète transparence avec ses salariés.

Quoi qu'il en soit, face aux cas historiques des entreprises qui se sont affranchies de leur structure hiérarchique, Zappos offre en temps réel l’expérience d’une transformation en cours. À suivre…